La philosophie qui sous-tendait la pensée de Al-Shatibi consistait à mettre en avant le fait que les règles de l’islam celles qui sont produites par le fiqh (loi et jurisprudence) devaient être considérées, entendues et appliquées à la lumière des objectifs que celles-ci se doivent d’atteindre (maqâsid ash-shari’a). Ce fut un retour, non pas simplement à reconsidérer le cadre du fiqh, mais à revenir aux fondements même du droit et de la jurisprudence qui est elle-même une science que l’on nomme du même nom (ûsul al fiqh). La pensée de Al-Shatibi fut revisitée de façon tout à fait spécifique, en particulier dans le courant du XXe siècle et jusqu’aujourd’hui : elle fut pour ainsi dire redécouverte, parce qu’elle établissait un cadre, une méthodologie, un rapport à la législation, qui permettait de ne pas s’arrêter à la compréhension littérale de la règle, des principes, mais de systématiquement revenir à l’institution fondamentale qu’avaient déjà les premiers savants dans les premières écoles de droit (al madhahib), en particulier al-Shafi’i qui cherchait à établir quelle était l’objectif.Dans le présent ouvrage, qui traite justement des prescriptions majeures de la législation islamique, le Dr al-Raysuni revient sur les fondements mêmes du droit et de la jurisprudence, et nous propose une philosophie complète de la législation islamique. C’est donc une philosophie du droit dans laquelle nous allons pénétrer en comprenant le cadre général dans lequel doit s’inscrire la compréhension du droit islamique, de son application pour les temps passés, pour les temps présents, et pour les perspectives d’avenir. Il est donc ici question d’ « une philosophie du droit », d’une application des règles à la lumière de la compréhension des objectifs majeurs de ladite législation. 

Cette philosophie du droit, dans la façon dont elle va se présenter dans l’ouvrage, tourne autour de trois axes, qui sont en fait les 3 chapitres majeurs de la présente étude. D’abords, il y a l’inscription de la législation islamique dans l’histoire, ce sur quoi revient le Dr al-Raysuni en traitant de ses prescriptions, de ses principes supérieurs qui ont dépassé, ou plus précisément précédé, la tradition musulmane. Il y a la l’idée qu’il faut revenir à l’expression d’objectifs trans-historiques, au-delà même de la dernière des Révélations pour les musulmans, et cela met en évidence que l’islam n’est pas venu avec de nombreux objectifs, mais avec de nouvelles règles pour les atteindre même si, à l’évidence, il peut y avoir des objectifs que l’on trouve dans la tradition musulmane, qui sont précisés, affinés et traduits d’une façon plus pointue ou simplement différente. De fait, l’étude des traditions qui ont précédé le message coranique, permet d’avoir une sorte de cadre, une compréhension beaucoup plus large et claire des fondements de la législation musulmane à la lumière de l’histoire des autres traditions dans le domaine législatifs : une philosophie beaucoup plus holistique qui nous permet dans l’histoire, et au-delà de la dernière Révélation, de considérer les objectifs) atteindre. 

Le deuxième chapitre va resserrer ce cadre en se posant la question de savoir quels sont les objectifs, ces prescriptions, comment les comprendre à la lumière du Coran : comment peut-on en extraire la substance, en comprendre l’organisation; comment finalement comprendre le système d’une législation appliquée à la lumière des objectifs à atteindre, dans le cadre du fiqh bien entendu (législation islamique), mais également en revenant aux fondements du droit et de la jurisprudence .Et ce deuxième chapitre va nous emmener au troisième volet, traitant des prescriptions majeures de la législation ( al kouliyât at-Tachri’iya, et des « usul al fiqh », des questions relevant des fondements du droit et de la jurisprudence. Ici, l’auteur nous livre une étude approfondie de ces fondements majeurs ou prescriptions majeures, qui nous permettent de mieux comprendre ce qui est spécifique à l’islam, ce qui va en même temps nous donner la possibilité de comprendre la philosophie du droit et les potentialités de son application selon l’époque, en fonction des circonstances historiques, culturelles et politiques. Il s’agit d’une application qui est autant une formulation du droit qui est une mise en forme de l’éthique- l’éthique étant ici le fondement morale de la prescription légale. 

On le voit ce livre est exposé de méthodologie, il offre une philosophie du droit en même temps que des instruments, des règles et des réglementations, des prescriptions avec la compréhension de ces prescriptions majeures. Ces dernières permettent à la pensée et à la législation musulmane contemporaine de ne point s’appliquer littéralement sans la compréhension du contexte et des objectifs, mais plutôt de comprendre les objectifs et de considérer le contexte et d’appliquer les règles à la lumière de ce que l’on veut atteindre, considérant le lieu où l’on se trouve. Il s’agit d’un chemin vers une application concrète beaucoup plus à même de considérer toutes les dimensions de cette législation parce qu’en comprenant les objectifs majeurs, on peut en comprendre les applications détaillées-le cadre permettant, effectivement, de reste fidèles au détail. 

C’est donc avec un grand plaisir et en saluant le travail de la contribution majeur du Dr al-Raysuni que je propose au lecteur francophone de prendre le temps de la lecture, de la compréhension, de la médiation tant spirituelle que philosophique et légale pour tirer de cet ouvrage des enseignements essentiels, non pas simplement dans la vie quotidienne du croyant qui veut rester fidèle, mais dans la conscience individuelle et collective d’une communauté de foi qui veut comprendre sa religion, ses objectifs, qui veut savoir au nom même de la règle qu’elle applique le sens qu’elle défend. Au demeurant, telle est bien la substance de cet ouvrage « [des] prescriptions majeures de la législation islamique » : en toutes circonstances dans le droit et sa philosophie, comme dans la pratique et sa spiritualité, ce qui importe est de ne jamais perdre de vue le sens, les fondements et les objectifs. Entre les fondements et les objectifs, on accède à la bonne façon de pratiquer, sur le chemin fidèle aux principes, conscient des objectifs. Ce chemin est ce que l’on appelle en islam, « ash-Shari’a ». Le chemin qui mène à la source première et qui également « al-huda »( être bien guidé ), et qui est aussi « as-sabil » (être sur la route), et qui est « ar-rushd » ( être dans la bonne direction), et qui constitue finalement le fondement même de l’islam : on n’est fidèle aux principes de la route quand on est en marche sur la route en sachant que la fidélité aux principes premiers de la route, c’est justement de ne jamais perdre de vue les objectifs vers lesquels cette route nous mène. (Préface du Pr. Tariq RAMADAN)

Cet ouvrage comporte 3 chapitres, avec pour chacun d'eux plusieurs parties: 

Chapitre 1: Les prescriptions majeures et leur importance dans le Coran et les Livres antérieurs. 

• Première partie: La Chari'a et la législation entre élargissement et retenue. 
• Deuxième partie: Les versets coraniques entre globalités et détail. 
• Troisième partie: Les prescriptions communes aux Livres révélés. 

Chapitre 2: Les prescriptions majeures du Coran 

• Première catégorie: Les prescriptions doctrinales. 
• Deuxième catégorie: Les prescriptions à visées. 
• Troisième catégorie: Les prescriptions éthiques. 
• Quatrième catégorie: Les prescriptions législatives. 

Chapitre 3: Les prescriptions majeures législatives Questions relevant des fondements du fiqh 

1. Introduction 
2. Première partie: les prescriptions majeures entre abrogation et spécification. 
3. Deuxième partie: La législation islamique entre prescription majeures et sentences détaillés.

Informations  bibliographiques